L’astéroïde Apophis observé pour la première fois par occultation stellaire

L’astéroïde géocroiseur Apophis fait l’objet d’une étroite surveillance à l’échelle planétaire en raison de son passage très rapproché de la Terre prévu en 2029. Pour la première fois, en mars 2021, il a été observé par la technique des occultations stellaires à l’initiative de chercheurs de l’Observatoire de Paris – PSL : une prouesse du fait de sa petite taille.

Courbe de lumière de l'étoile occultée
Passage proche d’Apophis du 13 avril 2029. (bleu clair : satellites artificiels – violet : ISS) Crédits : NASA/JPL Caltech

L’astéroïde géocroiseur Apophis fascine, car il effectue régulièrement des passages proches de la Terre : par exemple à 16,8 millions de kilomètres en mars 2021, ou bien sûr en avril 2029 à seulement 31 000 km de la surface terrestre (soit 12 fois plus proche que la Lune et un peu à l’extérieur de la zone des satellites géostationnaires). Sa trajectoire est donc surveillée de près depuis sa découverte en 2004.

Les 7 et 22 mars 2021, deux occultations stellaires par Apophis ont été observées pour la première fois, aux États-Unis.

Deux campagnes d’observation d’Apophis par occultation stellaire ont été organisées à l’initiative de :

  • J. Desmars (IMCCE/IPSA/Observatoire de Paris – PSL),
  • D. Souami et B. Sicardy (LESIA/Observatoire de Paris – PSL),
  • B. Morgado (Obs. Nacional et LIneA, Brésil),
  • et F. Braga-Ribas (UTFPR, Brésil).

Dans le cadre du projet ERC Lucky Star et en collaboration avec :

  • P. Tanga (Observatoire de la Côte d’Azur),
  • K. Tsiganis (Univ. Thessaloniki, Grèce),
  • et plusieurs équipes américaines d’astronomes professionnels et amateurs.

Les occultations stellaires permettent non seulement de déterminer la taille et la forme des petits corps du Système solaire à des précisions sub-kilométriques, mais également d’en donner des positions extrêmement précises.

Courbe de lumière de l'étoile occultée
Cartes de prédiction des occultations par Apophis le 7 mars 2021 (gauche) et le 22 mars 2021 (droite). Les points bleus sur la trajectoire sont espacés toutes les minutes et la zone grisée représente la partie de la Terre dans la nuit. Crédits : Lucky Star

Les prédictions des occultations stellaires requièrent cependant une bonne connaissance du mouvement du corps et de la position de l’étoile, ainsi qu’un réseau dense de télescopes répartis sur la planète permettant de suivre le phénomène céleste tout au long de son déroulement. Pour un objet comme Apophis (380 m de diamètre seulement !), une détection était impensable sans :

De plus, début mars 2021, des mesures radar ont contribué à améliorer encore la précision de l’orbite. Enfin, la participation d’astronomes amateurs équipés de télescopes mobiles a été une fois de plus décisive dans le succès de ces observations. Au total, 3 stations ont enregistré l’événement du 7 mars et une station a enregistré celui du 22 mars, qui a duré moins de 0,1 seconde.

Apophis devient ainsi le premier objet de quelques centaines de mètres à être observé par occultation stellaire. Les positions déduites sont complémentaires et équivalentes en précision aux observations radar, avec l’avantage d’être beaucoup moins coûteuses.

Détection de l’effet Yarkovsky

Au-delà d’exclure tout risque de collision avec la Terre pour les 100 prochaines années, ces observations ont également permis de mesurer des accélérations très faibles du mouvement d’Apophis dues à l’effet Yarkovsky (une très petite force due à l’émission thermique du corps), ce dernier ayant un rôle prépondérant sur la dynamique de l’objet (trajectoire et futures rencontres proches avec la Terre). Les retombées scientifiques sont donc inédites.

La réussite de ces occultations annonce une ère nouvelle dans l’étude des astéroïdes géocroiseurs.

Après les occultations stellaires réussies par le géocroiseur Phaéton (6 km de diamètre) en 2019 et les occultations par Apophis de mars 2021, d’autres occultations par des astéroïdes, tels que le géocroiseur Didymos, cible des missions DART (NASA) et Hera (ESA), sont maintenant pleinement envisageables.

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