Le phénomène du mois : la conjonction Mars – Messier 22 le 29 février 2020

Le phénomène intéressant en ce mois de février sera le rapprochement de la planète Mars avec l’amas globulaire M22
Il est plus de coutume, lorsque l’on parle de conjonction, d’associer deux astres du Système solaire : la Lune avec une planète, ou une planète avec une autre planète. La conjonction que nous vous proposons d’observer sort des sentiers battus, car elle est originale à plus d’un titre. Elle aura lieu tout d’abord à une date particulière, le 29 février, date rare, jour supplémentaire dû au caractère bissextil de cette année 2020. Cette journée anecdotique nous rappelle que notre planète, la Terre, fait un tour autour du Soleil en 365 jours… un quart. Et c’est à ce petit quart, qu’il convient de respecter, que l’on doit cette journée supplémentaire tous les 4 ans. Ensuite, cette conjonction fait donc intervenir deux acteurs qui ne sont (vraiment) pas de la même famille : Mars, quatrième planète de notre système solaire et Messier (M)22, un amas globulaire situé dans la constellation du Sagittaire et qui appartient à notre galaxie.
Faisons plus ample connaissance avec chacun des protagonistes
L’orbite de Mars est située à environ 228 millions de kilomètres du Soleil, soit, en tenant compte de l’excentricité, entre 1,4 et 1,7 fois la distance Terre-Soleil. Cette distance implique une période orbitale d’un peu moins de 2 ans (687 jours). La planète rouge, surnom qu’elle doit à la présence d’oxyde de fer à sa surface, est la quatrième et dernière planète rocheuse, avant Jupiter qui ouvre, elle, le bal des planètes géantes et gazeuses. Mars est quasiment deux fois plus petite que la Terre. En ce qui concerne sa visibilité, Mars est bien visible dans le ciel un an sur deux. Il se trouve que 2020 sera une assez bonne année de visibilité. Elle sera en opposition le 13 octobre dans la constellation des Poissons, et brillera alors à la magnitude − 2,4.
Visible dans la belle constellation du Sagittaire, l’amas globulaire Messier 22 (M22) est situé en pleine Voie lactée, entre le Système solaire et le centre de notre galaxie, à environ 10 600 années-lumière, ce qui en fait l’un des plus proches du Soleil. Rappelons que le plus beau et célèbre amas globulaire de l’hémisphère nord, M13, est situé quant à lui à 22 000 al. M22 contient environ 100 000 étoiles et est l’amas globulaire le plus brillant (magnitude 5,1) du Sagittaire.

Le 29 février 2020, Mars va donc passer quasiment entre la Terre et M22. Vue depuis la Terre, la planète rouge sera à 0,4° (écart angulaire d’environ 24′ d’arc, soit moins d’un diamètre lunaire) au nord-est (en haut à gauche) de M22. Les conditions de visibilité ne seront toutefois pas optimales, puisque le phénomène sera visible le matin entre 5 h 00 (heure de lever de Mars) et les premières lueurs de l’aube vers 6 h 30, le Sagittaire étant alors situé assez bas sur l’horizon sud-est.
Que verra-t-on ?
À l’œil nu, Mars sera bien visible, car elle brillera à une magnitude de 1,3. Toutefois, il est peu probable que M22 soit visible, car noyé dans les possibles brumes de l’horizon. Par contre, le phénomène promet d’être magnifique dans une paire de jumelles ou, mieux encore, une petite lunette ou un petit télescope.
Dans les jumelles 8 × 40 ou 10 × 50, on verra le gros point rouge du Dieu de la guerre, avec à son sud-ouest une petite boule grise et floue. Dans une petite lunette ou un télescope, en grossissant entre 50 et 70 fois, si Mars n’offrira pas de détails supplémentaires (sa taille angulaire n’excèdera pas 5,5″ d’arc), M22, avec un diamètre de 30′ d’arc, sera plus généreux en offrant un disque au pourtour granuleux. Dans un instrument de 250 ou 300 mm, l’image promet quant à elle d’être magnifique. Il faudra avoir recours à des oculaires grand champ (66° ou plus) pour pouvoir admirer les deux objets dans le même champ. Et s’il est alors possible de grossir 100 ou 120 fois en gardant les deux objets à proximité, l’image de la petite tête d’épingle rougeoyante et de la boule criblée de dizaines d’étoiles résolues promet d’être somptueuse. Les astrophotographes ont là un thème pour un beau portrait céleste dans une revue mensuelle…
Outre la beauté du rapprochement, le curieux du ciel ne manquera pas d’en profiter pour reconstruire mentalement la scène en 3 dimensions. Ce genre de phénomène est en effet une occasion unique de donner le relief qui manque cruellement au ciel. Admirer à l’œil nu la voûte céleste n’offre à l’humain qu’une vue en 2 dimensions : hauteur et largeur. La profondeur, donnée par la distance des objets, est en effet tout à fait imperceptible. Ce 29 février, s’il prend une chaîne d’arpenteur, un observateur qui part de la Terre devra parcourir 1,71 au, soit 257 millions de kilomètres, pour atteindre Mars, puis… 10 600 années-lumière (1 année-lumière est égale à 10 000 milliards de kilomètres) pour ensuite rejoindre M22. En bref, bien que visuellement situés très proches l’un de l’autre par le hasard de l’alignement d’une ligne de visée, on comprendra combien M22 est incroyablement plus loin : voilà une belle occasion d’appréhender combien sont modestes les distances au sein de notre système solaire dès lors que l’on se « promène » dans notre galaxie.
Histoire de combler le curieux de phénomènes astronomiques et de belles images, notons que Mars ne sera pas la seule planète à illuminer ce coin de ciel, puisque les deux premières planètes géantes gazeuses suivent de près la planète rouge sur l’écliptique : entre Mars et l’horizon est, on notera d’abord Jupiter, puis Saturne, les trois planètes étant parfaitement alignées.