Le phénomène du mois : l’opposition de la planète Mars

Pour ce mois d’octobre, le phénomène mis en lumière est l’opposition de la planète Mars, qui aura lieu le 13 octobre 2020 (heure UTC).
On dit d’une planète qu’elle est en opposition lorsque les longitudes écliptiques (ou célestes) géocentriques vraies de cette planète et du Soleil diffèrent de 180°. Un moyen pratique pour mieux appréhender le phénomène consiste à rappeler que la Lune est en opposition lors de la pleine Lune. Plus concrètement, la planète Mars se lèvera le 13 octobre 2020 sur l’horizon est au moment où le Soleil se couchera à l’ouest et elle ira se coucher derrière l’horizon ouest au moment où le Soleil se lèvera vers l’est. Elle sera donc visible tout au long de la nuit et au plus haut dans le ciel sur le méridien nord-sud à minuit UTC (2 heures sur vos montres en Temps légal français).
Qui verra-t-on ?
Mars est la quatrième et dernière planète tellurique, ce qui signifie qu’il s’agit d’une planète rocheuse. Mars est environ deux fois plus petite que la Terre (6 792 km contre 12 756 km à l’équateur). Toutefois, en termes de masse, la différence est bien plus significative, puisque Mars est dix fois moins massive que la planète bleue. Autre différence notable, l’excentricité de l’orbite : si la Terre a une très faible excentricité (l’orbite terrestre s’approche d’un cercle), celle de Mars est assez prononcée (0,039 pour Mars, 0,016 pour la Terre), ce qui signifie, en forçant de beaucoup le trait, que l’orbite de Mars ressemble à un ballon de rugby. Si les deux orbites étaient parfaitement circulaires, et si l’on tient compte du fait que la distance de la Terre au Soleil est d’environ 150 millions de kilomètres, que celle de Mars au Soleil est d’environ 228 millions de kilomètres, alors, à chaque opposition, Mars serait à 78 millions de kilomètres de la Terre. Or, la différence d’excentricité provoque des écarts très significatifs de distance à chaque opposition : au minimum (opposition périhélique), la distance Terre-Mars n’est que de 55 millions de kilomètres, alors qu’au maximum (opposition aphélique), elle dépasse les 100 millions de kilomètres.
Le 6 octobre, la planète rouge passera au plus près de la Terre à environ 62 millions de kilomètres, soit une semaine plus tôt que l’opposition.
Que verra-t-on ?
Pour bien des raisons, l’opposition de 2020 est un très bon millésime.
- Tout d’abord, la distance entre la Terre et la planète rouge se situera dans une valeur assez réduite (62 millions de kilomètres).
- D’autre part, Mars est située dans la constellation des Poissons, avec une déclinaison de + 5°, soit au méridien, à 2 h 00 sur vos montres, une hauteur de + 45° au-dessus de l’horizon, donc à mi-hauteur entre l’horizon sud et le zénith. Sa magnitude avoisinera − 2,4, soit un peu plus brillante que Jupiter (− 2,3 à la même période).
- Enfin, sur l’ensemble du mois, la taille angulaire de Mars passera de 22,4″ au 1er octobre à 20,2″ le 31 octobre, avec un pic à 22,6″ le 6 octobre. Pour mémoire, c’est mieux que Saturne (environ 18″), mais nettement moins bien que la planète géante Jupiter (environ 40″).
Les deux raisons qui font de cette opposition un événement à ne pas manquer sont sa proximité, donc sa taille angulaire confortable et sa hauteur sur l’horizon, gage de ciel moins perturbé, moins turbulent et donc plus propice à offrir des images stables, piquées, montrant les détails de la surface martienne. Lors des deux précédentes oppositions (2016 et 2018), Mars était basse sur l’horizon et les conditions d’observation n’étaient pas favorables pour une belle observation.
Mars est un astre resplendissant depuis le mois d’août. Elle est très brillante et domine de loin toutes les étoiles du ciel d’automne. Sa couleur jaune légèrement orangée est bien visible à l’œil nu. Malgré une opposition assez favorable, Mars n’est pas un objet très intéressant dans les petites optiques ; dans des jumelles ou des petites lunettes astronomiques, elle va rester très pudique, la faute à sa taille angulaire assez modeste. Si comme toujours il faut collecter de la lumière et avoir du pouvoir séparateur, donc idéalement une optique d’au moins 100 mm de diamètre, il va falloir aussi grossir le plus possible. Et à ce petit jeu, les télescopes de type Newton avec leur focale raisonnable (entre 900 et 1 200 mm) sont un peu à la peine, alors que les Maksutov et autres Schmidt-Cassegrain avec leur focale démesurée (de 1 500 à 2 800 mm) vont faire le show en offrant des grossissements importants. Avec son éclat important et son fort contraste, Mars peut supporter de grosses amplifications : on pourra pousser jusqu’à 2 fois le diamètre exprimé en mm, avec une image souvent meilleure à 1,5 fois. Si on dispose d’un 150 mm, les plus belles images devraient être obtenues entre 150 et 300 fois, avec un optimum vers 225 fois. Pour parfaire le plaisir d’observer et s’assurer des images nettes, piquées et immobiles, on vérifiera au préalable que l’optique est soigneusement réglée (collimation des miroirs irréprochable), que les oculaires sont propres, et que l’instrument est motorisé.
Dès lors, il n’y aura plus qu’à savourer… si la turbulence ne vient pas gâcher le spectacle, comme c’est malheureusement le cas dans 50 à 70 % des nuits. Dans ces conditions, si au bout de 20 à 30 minutes d’observation, la planète n’offre qu’une… « bouillie » orangée, point n’est besoin d’insister ; Uranus, le dieu du ciel, est fâché et mieux vaut rentrer. Par contre, en cas de ciel calme et stable, on peut dès lors passer de longs moments à savourer plusieurs détails de la surface martienne, comme la calotte polaire sud, ou les célèbres Syrtis Major, Terra Meridiani, le canyon Valles Marineris ou la plaine d’Hellas.
Notons que, pour une fois, l’observateur des villes au ciel fortement dégradé par la pollution lumineuse pourra réaliser des observations quasi aussi belles que celles réalisées par son cousin, l’astronome de la campagne. Point n’est en effet besoin d’un ciel noir pour observer les planètes ; et d’autre part, s’il y a parfois plus de turbulence à la ville qu’à la campagne, il arrive de temps en temps que, même en pleine ville, des conditions de ciel bien stable offrent de magnifiques images planétaires. Un ciel de campagne sera souvent bien meilleur, mais autant l’observation du ciel profond est impossible sous un ciel urbain, autant on peut tenter sa chance en planétaire avec parfois de bonnes surprises.
On terminera en disant que si le jour J de l’opposition est le 13 octobre (heure UTC), la faible variation de taille et d’éclat avant et après cette date fait que Mars est magnifique à observer durant tout le mois d’octobre. On ne s’en privera donc pas puisque la prochaine opposition aura lieu dans deux ans.