En ce mois de novembre, la Terre ouvre grand sa fenêtre céleste vers notre proche banlieue galactique. C’est en effet dans le ciel d’automne que l’on peut observer tous les membres de l’amas local de galaxies dans lequel se trouve la Voie lactée, notre galaxie. C’est donc l’occasion de pouvoir admirer le membre poids lourd de cet amas en la personne de M31, la galaxie d’Andromède. Il s’agit d’un objet mythique de l’observation du ciel pour tout observateur de curiosités célestes. La galaxie d’Andromède est visible du mois d’août jusqu’au mois de janvier et elle passe au méridien, donc haut dans le ciel au-dessus de l’horizon sud vers 21 h 30 en Temps légal français le 15 novembre.
Qui verra-t-on ?
M31 n’est pas n’importe quelle galaxie dans le ciel automnal, et ce pour plusieurs raisons : c’est la galaxie spirale la plus proche de la Voie lactée, notre galaxie, et c’est aussi le membre le plus grand et le plus massif de notre amas local.
Rappelons que la Voie lactée fait partie d’un petit amas qui contient une soixantaine de galaxies, dont seulement 3 spirales, qui sont, par ordre de taille et de masse décroissante : M31, la galaxie d’Andromède, la Voie lactée et M33, la galaxie du Triangle. Toutes les autres galaxies sont de petites galaxies irrégulières. L’ensemble de ces galaxies tient dans un cube de 10 millions d’années-lumière de côté. M31 est située à environ 2,5 millions d’années-lumière de notre galaxie et M33 à environ 2,8 millions d’années-lumière.
M31 est une galaxie imposante : son diamètre est de l’ordre de 220 000 années-lumière et elle contiendrait 1 000 milliards d’étoiles, alors que la Voie lactée mesure quant à elle environ 120 000 années-lumière et contient entre 200 et 400 milliards d’étoiles. Quant à M33, elle contiendrait seulement 60 milliards d’étoiles et sa masse correspond à environ 5 % de celle de M31.
M31 est donc sans concurrence question taille et masse dans notre amas local.
Que verra-t-on ?
M31 est un objet du ciel profond hors norme ; c’est en effet, et de loin, l’objet le plus lointain visible à l’œil nu. Il s’agit d’une galaxie qui contient tellement d’étoiles que, malgré la coquette distance de 2,5 millions d’années-lumière, sa magnitude atteint 3,4. Rappelons que sous un ciel parfait, en montagne par exemple, l’œil humain est capable de distinguer des étoiles de magnitude 6. D’autre part, elle couvre une zone de ciel de près de 3 degrés, soit 6 fois la taille de la pleine lune ! Notons cependant que, s’il s’agit d’un objet grand, son éclat est assez dilué et il apparaît donc « vaporeux » et peu contrasté. De ce fait, il est tout à fait impossible de voir M31 en ville où la pollution lumineuse est trop forte ou lors d’une période de pleine lune. Il faudra donc disposer d’un ciel de campagne, sans lune, pour optimiser ses chances de l’observer. En novembre 2024, entre le 7 novembre et le 20 novembre, la Lune sera omniprésente dans le ciel (pleine lune le 15 novembre) ; on privilégiera donc les premières et dernières semaines du mois pour observer M31.
Pour la localiser dans le ciel, on repérera au préalable, en haut à gauche du carré de Pégase, la branche des 3 étoiles qui constituent la constellation d’Andromède, à savoir, en partant de l’est : γ qui porte le nom d’Almach, β, Mirach et α, Alpheratz. En partant de β, Mirach, on note en remontant vers le nord deux étoiles plus faibles ; il s’agit de μ et ν d’Andromède. M31 est située à un peu plus de 1° (deux fois le diamètre lunaire) au nord-ouest (un peu en haut à droite) de ν Andromède.
À l’œil nu, avec un ciel moyen, la galaxie n’est pas évidente. Il faudra peut-être recourir à la vision décalée. Cette pratique consiste à regarder « un peu à côté » de l’objet que l’on cherche ; en pratiquant de la sorte, on sollicite les bâtonnets disposés à la périphérie du fond de l’œil, bâtonnets qui sont bien plus sensibles que les cônes, sollicités en vision directe. Cette méthode permet de distinguer des objets plus faibles que si l’on regarde en vision directe.
Pour M31, on parvient dès lors à distinguer comme un petit haricot de lumière grise. Il s’agit non pas de la galaxie tout entière, mais juste de son bulbe central, zone de loin la plus brillante de la galaxie. Même s’il s’agit d’une très belle performance visuelle (voir une galaxie à plus de 2 millions d’al), on n’ira guère plus loin. Pour en voir plus, il faut s’équiper de jumelles, idéalement 10 × 50 (grossissement de 10 fois et lentilles de 50 mm de diamètre). Ainsi équipé, l’observateur accède à une image passionnante, car cette optique, bien que modeste, permet d’appréhender quasiment l’ensemble de l’objet. On retrouve le centre qui prend la forme d’un micro ballon de rugby et on note que ce noyau baigne dans un grand halo très allongé et bien plus faible de lumière blanchâtre. Ce halo est constitué par les spirales, dont on ne perçoit pas la forme spiralée dans les jumelles, mais seulement un voile très faible. Pour autant, il s’agit d’une très belle observation, car on accède à une image pas si éloignée des belles photos. Pour les plus expérimentés qui veulent élargir leur champ de vision, l’autre spirale, M33, est visible un peu plus au sud dans la constellation du Triangle. Vue quasi de face, elle est inaccessible à l’œil nu, car nettement moins brillante et contrastée. De simples jumelles 8 × 30, ou mieux, 10 × 50, permettent de la voir sous la forme d’une tache grise et floue. Enfin, les deux membres les plus intéressants des galaxies irrégulières sont NGC 147 et NGC 185, deux objets encore plus faibles (magnitude ~ 9,5) situés à environ 8° plus au nord, dans la constellation de Cassiopée.
Revenons à l’observation de M31 : on savourera cette image plus encore en intégrant le fait que les photons perçus par nos yeux ont parcouru 2,5 millions d’al, ce qui signifie aussi, car l’année-lumière est une unité de mesure de distance, et par conséquent de temps, que lesdits photons sont partis de M31 il y a 2,5 millions d’années, alors que les premiers outils en pierre étaient utilisés par nos ancêtres. La galaxie M31 que vous observerez donc à l’œil nu ou aux jumelles dans les jours qui viennent n’est pas celle qui existe aujourd’hui, mais bien celle d’il y a 2,5 millions d’années. Quant à la M31 d’aujourd’hui, ce sont nos arrières arrières arrières… petits enfants qui pourront l’observer, dans… 2,5 millions d’années.