La conjonction des planètes Jupiter et Saturne du 21 décembre 2020
On distingue trois types de configurations intéressantes en ce qui concerne les conjonctions : la conjonction géocentrique en longitude, la conjonction géocentrique en ascension droite et l’élongation minimale.
- Dans le repère céleste écliptique géocentrique : la conjonction géocentrique en longitude de deux astres est l’instant auquel les deux astres, vus depuis le centre de la Terre, ont la même longitude céleste. Dans ce cas, on calcule la différence de latitude céleste pour connaître la distance angulaire entre les astres.
- Dans le repère céleste équatorial géocentrique : la conjonction géocentrique en ascension droite de deux astres est l’instant auquel les deux astres, vus depuis le centre de la Terre, ont la même ascension droite. Dans ce cas, on calcule la différence de déclinaison pour connaître la distance angulaire entre les astres.
- L’élongation minimale entre deux astres est l’instant auquel la distance angulaire entre deux astres est minimale. Dans ce cas, on fournit la valeur de cette distance minimale.
Ces trois configurations se produisent toujours au voisinage les unes des autres. Les conjonctions en ascension droite et en longitude peuvent être assez éloignées les unes des autres, lorsque l’élongation minimale est forte, alors que l’instant de la conjonction en longitude est très proche de l’instant du minimum d’élongation. En revanche, on peut avoir un minimum d’élongation sans aucune conjonction au voisinage.
Fréquence des phénomènes
Les conjonctions entre Jupiter et Saturne sont des phénomènes rares : ils se reproduisent après un intervalle de temps qui se situe entre 18,8 ans et 20,6 ans. Cet intervalle correspond plus ou moins à la période synodique Jupiter-Saturne, temps au bout duquel les deux planètes ont des longitudes héliocentriques proches.
Il existe des cas encore plus rares où l’on observe une triple conjonction de ces deux astres sur une période inférieure à une année. On n’en dénombre que dix depuis le début de l’ère commune. La dernière a eu lieu en 1980-1981 et la prochaine n’aura lieu qu’en 2238-2239. Ces triples conjonctions se produisent uniquement lorsqu’elles sont au voisinage des boucles de rétrogradation des planètes, quand les oppositions des planètes avec la Terre ont lieu au cours des boucles de rétrogradation.
La conjonction du 21 décembre 2020
Vous trouverez ci-dessous la description des trois phénomènes.
21/12/2020 à 13 h 31 min 56 s UTC
Conjonction géocentrique en ascension droite entre Jupiter et Saturne, différence de déclinaison : − 6′ 15,21″, élongation solaire de Jupiter : 30° E.
21/12/2020 à 18 h 20 min 29 s UTC
Conjonction géocentrique en longitude entre Jupiter et Saturne, différence de latitude : − 6′ 6,40″, élongation solaire de Saturne : 30° E.
21/12/2020 à 18 h 22 min 30 s UTC
Élongation minimale entre Jupiter et Saturne, élongation : 6′ 6,40″.
On donne après chaque phénomène l’élongation au Soleil de la planète qui en est la plus proche. On remarque à la précision angulaire affichée qu’il n’y a pas de différence entre l’élongation minimale et la différence de latitude.
Les trois phénomènes sont très rapprochés dans le temps et l’élongation minimale entre les deux astres est très faible : 6′ 6,40″. Depuis le début de l’ère commune, seulement deux élongations minimales ont été inférieures à cette valeur : celle du 5 mars 1226 (2′ 8,5″) et celle du 16 juillet 1623 (5′ 10,1″). De plus, jusqu’en 2500, deux élongations minimales seront inférieures à cette valeur : celle du 15 mars 2080 (6′ 0,9″) et celle du 24 août 2417 (5′ 24,6″).
Une élongation minimale de 4° 41′ 49,3″ entre les deux astres, sans conjonction, a eu lieu le 18 mai 2020 à 4 h 40 min 03 s UTC. Saturne était alors rétrograde et Jupiter venait d’entrer en rétrogradation (le 14 mai). Jupiter s’approchait donc de Saturne, puis s’en est éloignée après sa rétrogradation.
Les conjonctions précédentes ont eu lieu le 28 mai 2000 pour le minimum d’élongation (1° 8′ 51,0″) et la conjonction en longitude, puis le 31 pour la conjonction en ascension droite.
Les conjonctions suivantes auront lieu le 31 octobre 2040 pour le minimum d’élongation (1° 7′ 52,1″) et la conjonction en longitude, puis le 5 novembre 2040 pour la conjonction en ascension droite.
Visibilité
À l’instant du minimum d’élongation, il suffit que les deux planètes soient levées et qu’il fasse nuit à 18 h 22 min 30 s UTC. Les déclinaisons des deux astres étant de l’ordre de − 22,5°, les deux astres sont toujours levés aux très basses latitudes et sont toujours couchés aux très hautes latitudes. Sur la carte ci-dessus, on a tracé la zone de visibilité du phénomène. À l’échelle du tracé, les courbes des levers et des couchers des deux astres sont confondues. Ces courbes et la courbe des levers-couchers du Soleil ont été calculées pour une valeur de la réfraction atmosphérique horizontale égale à 36,6′. Compte tenu de la valeur de la déclinaison des deux astres, ils seront plus hauts à l’horizon ouest dans l’hémisphère sud.
Bien évidemment, les deux astres sont visibles avant et après ce minimum, il suffit de déplacer le fond de carte vers l’ouest (période avant) ou vers l’est (période après) pour avoir une idée des zones de visibilité.
en savoir plus
Observer le phénomène
Pour ce mois de décembre, le phénomène du mois que nous vous proposons sera orchestré par la belle mécanique céleste du Système solaire. Ce grand et imperturbable ballet offre parfois de beaux rapprochements célestes pour un observateur terrestre. Ce sera le cas lundi 21 décembre 2020 en tout début de nuit, puisque les deux planètes géantes Jupiter et Saturne seront en conjonction très rapprochée. Toute la période autour du 21 décembre sera propice à l’observation du rapprochement, même si les planètes se coucheront de plus en plus tôt au fil du temps, et que les hauteurs sur l’horizon seront très basses (moins de 10°). Le mouvement de révolution de la Terre autour du Soleil fait que l’on se rapproche de l’arrivée du Soleil dans la ligne de visée entre la Terre et Jupiter/Saturne : les planètes ne seront visibles qu’en début de soirée.
Notons que, comme cette date du lundi 21 décembre sera aussi celle du solstice d’hiver, nous serons dans les jours les plus courts de l’année dans l’hémisphère nord. Cette année, ce rapprochement s’annonce comme tout à fait exceptionnel en raison du faible écartement qui subsistera entre les planètes : 6 minutes de degré, soit environ un cinquième du diamètre lunaire. En d’autres termes, à l’œil nu, les planètes vont se frôler. Toutes les conjonctions ne donnent pas lieu à des rapprochements aussi serrés : ce sont les perturbations planétaires périodiques, ainsi que la position de la Terre aux moments opportuns, qui donnent lieu, ou non, à de telles configurations géométriques exceptionnelles.
De telles conjonctions rares, voire rarissimes, font d’ailleurs partie des phénomènes astronomiques qui ont donné naissance à l’étoile des Rois mages, des conjonctions Jupiter-Saturne très serrées ayant eu lieu dans les temps qui ont précédé les débuts de notre ère.
Qui verra-t-on ?
Rien de moins que les deux plus grosses planètes de notre système solaire. Par ordre de distance au Soleil, Jupiter est la cinquième planète, après Mercure, Vénus, la Terre et Mars. Saturne vient ensuite, en sixième position. Il s’agit de deux planètes gazeuses, constituées essentiellement d’hydrogène et d’hélium. On pense cependant que ces deux objets possèdent un noyau rocheux d’une taille assez comparable à celle de la Terre. La composition chimique de ces deux planètes étant assez proche de celle du Soleil, les astronomes en ont conclu que Jupiter et Saturne sont des embryons d’étoiles qui n’ont pas pu s’allumer faute d’une masse suffisante. Pour Jupiter, des calculs ont montré que si elle était 13 fois plus massive qu’elle ne l’est aujourd’hui, elle deviendrait une naine brune, c’est-à-dire une petite étoile brillant très doucement, en raison d’une faible activité nucléaire en son centre. Le diamètre de Jupiter est de 140 000 km, soit onze fois plus grand que celui de la Terre, mais aussi dix fois plus petit que celui du Soleil. Elle orbite à environ 780 millions de kilomètres du Soleil, soit un peu plus de cinq fois la distance Terre–Soleil. Notons qu’à elle seule, Jupiter est un petit système planétaire en réduction, puisqu’elle possède à ce jour 79 satellites connus, dont les quatre plus gros, Io, Europe, Ganymède et Callisto, sont déjà visibles avec une paire de jumelles. Le diamètre de Saturne pour sa part est dix fois plus grand que celui de la Terre ; elle est située, en moyenne, à 1,4 milliard de kilomètres du Soleil, ce qui signifie qu’elle est deux fois plus éloignée du Soleil que ne l’est Jupiter. Saturne possède quant à elle 82 satellites détectés, dont le plus gros et le plus connu, Titan, a une taille supérieure à celle de la planète Mercure.
Que verra-t-on ?
Le rapprochement des deux astres aura lieu à la jonction des constellations du Sagittaire et du Capricorne, donc malheureusement assez bas sur l’horizon. Il faudra rechercher le couple dès 17 h 30 (en Temps légal français) dans les lueurs du couchant, vers le sud-ouest. Les planètes se couchant vers 19 h 00, la meilleure visibilité devrait se situer vers 18 h 00.
La scène sera magnifique, car peu commune à l’œil nu. La dernière conjonction entre les deux planètes géantes a eu lieu en mai 2000. Mais, à cette date, l’écartement dans le ciel entre les planètes était d’un peu plus de 1°, soit deux fois le diamètre lunaire. En d’autres termes, lors de ce rapprochement du 21 décembre 2020, Jupiter et Saturne seront dix fois plus rapprochées qu’en 2000. Autant dire que vues depuis la Terre, elles vont se frôler, presque se toucher… Ce qui n’est bien sûr qu’un effet visuel, puisque Saturne est située loin derrière Jupiter.
Si la scène sera déjà superbe à l’œil nu, tout instrument d’astronomie sera le bienvenu. Une simple paire de jumelles sera déjà très efficace et offrira la belle image de deux minuscules billes jaunes très brillantes et très rapprochées. Avec des 10 × 50, on pourra déjà remarquer quatre sortes de petites étoiles tout contre Jupiter : il s’agit de ses quatre plus grosses lunes, une à droite (Europe) et trois à gauche (en partant de Jupiter, Io, Ganymède et Callisto). Avec un si faible grossissement (10 fois), les anneaux de Saturne ne seront pas visibles.
Avec une petite lunette, de 80 mm ou mieux encore de 100 mm de diamètre, et une amplification de 50 fois, on pourra commencer à distinguer les deux bandes gazeuses parallèles sur l’équateur de Jupiter, ainsi que les anneaux de Saturne. Mais ces détails seront plus accessibles avec un grossissement de 80 ou 100 fois. Notons cependant qu’il est peu probable que les images soient belles, nettes et piquées. Elles risquent malheureusement d’être, au contraire, floues et empâtées, la faute à la tombée de la nuit, souvent propice à des échanges thermiques importants dans les masses d’air (turbulence atmosphérique), et à la position très proche sur l’horizon, qui est le pire endroit pour observer des images nettes. Notons aussi que, comme les deux planètes vont passer au-delà du Soleil au début de l’année 2021, elles seront très éloignées de la Terre en ce 21 décembre, 890 millions de kilomètres pour Jupiter, 1,6 milliard pour Saturne, ce qui réduit leur taille angulaire ; Jupiter montrera alors un diamètre de 33″, alors qu’il était de 48″ vers le 15 juillet 2020. Le diamètre de Saturne sera quant à lui de 15″ (18″ en juillet 2020).
Si ces conditions dégradées n’offriront certainement pas des images bien nettes dans un télescope, on savourera cependant la beauté d’un phénomène rare (prochain rapprochement identique en… 2080 !), permettant d’admirer dans le même champ de l’oculaire, les deux planètes les plus belles de notre système solaire.