Le phénomène que nous proposons pour ce dernier mois de l’année 2021 n’aura rien d’extraordinaire en termes d’observation, puisqu’il s’agit de la
pleine lune. Rappelons qu’un tel phénomène a lieu une fois par mois. Alors pourquoi nous focaliser spécialement sur cette pleine lune de
décembre ?
D’abord, parce que cette pleine lune sera la plus haute et la plus petite des pleines lunes de 2021. Ensuite, parce que pour expliquer
la particularité de ces phénomènes, il va nous falloir aborder quelques notions de base de la mécanique céleste permettant de mieux
comprendre la belle horloge du mouvement des corps de notre système solaire.
Dans la nuit du 18 au 19 décembre 2021, à 4 h 35 min, aura lieu le phénomène de pleine lune. Notre satellite naturel sera alors situé dans
la constellation du Taureau. Lors du passage au méridien, vers 0 h 40 min, elle culminera, au nord de Paris, à 65° au‑dessus de l’horizon sud.
Son illumination sera alors de 100 %. Le lendemain, lors de son passage au méridien, dans la constellation des Gémeaux, vers 1 h 30 min, elle
culminera à 66° au‑dessus de l’horizon avec une illumination de 99,3 %. Un observateur fraîchement intéressé par l’astronomie pourra légitimement se poser
la question suivante : « pourquoi cette pleine lune de décembre est-elle la plus haute de l’année ? ». Et on lui répondra :
« pour une raison qui est celle à l’origine des saisons ! ».
Quel rapport peut‑il bien y avoir entre la plus haute pleine lune de l’année et le phénomène des saisons ?
Cette raison réside dans le fait que l’axe de rotation de notre planète sur elle-même n’est pas parfaitement… « vertical ».
Cet axe est incliné de 23° 26′. Mais incliné par rapport à quoi ? Car dans l’espace, il n’existe pas de repère absolu.
Cette inclinaison est calculée par rapport au plan de l’orbite terrestre. La projection de cette orbite pourrait être matérialisée
par un disque dans lequel la Terre se déplace, avec bien sûr le Soleil au centre de ce disque. Pas clair ? Imaginons un disque en verre,
type plateau à fromage. Coupons un petit pois en deux. Posons un demi-petit pois sur le disque en verre et faisons tourner ce demi-petit pois
sur le disque en verre en suivant un cercle autour du centre de ce disque. Notre demi-petit pois matérialise bien sûr la Terre tournant
autour du Soleil. Imaginons que ce petit pois tourne sur lui-même, en plus de tourner sur le disque. Si son axe de rotation était bien « vertical »,
l’axe aurait un angle de 90° par rapport au plan du disque. Pour comprendre l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre, il suffit d’imaginer
l’axe de rotation de notre demi-petit pois légèrement penché, de 23° environ, par rapport à la verticalité. Autre précision importante, le disque en
verre matérialisant l’orbite terrestre au sein du Système solaire voit dans la réalité sa projection sur la voûte céleste sous la forme d’une
ligne que l’on appelle l’écliptique. Notre planète a donc son axe de rotation incliné de 23° 26′ par rapport à la perpendiculaire (la verticalité)
du plan de l’écliptique.
Que se passerait-il si cet axe était parfaitement perpendiculaire, s’il était « vertical » ?
Dans un tel cas, le Soleil aurait toujours la même hauteur au-dessus de l’horizon, et ce tout au long de l’année. Plus concrètement,
il passerait tous les jours au zénith à midi solaire, du 1er janvier au 31 décembre, pour un terrien situé sur l’équateur. Un autre terrien,
situé quant à lui soit sur le pôle nord soit sur le pôle sud, verrait un demi-Soleil tourner éternellement sur l’horizon, faisant bien sûr un tour sur cet
horizon en environ 24 heures.
Remarque : en réalité, en raison de la réfraction atmosphérique à l’horizon, on verrait le Soleil en entier, la réfraction à l’horizon est de l’ordre
de 36′, donc plus grande que le diamètre apparent du Soleil.
Mais comme chacun sait, ce n’est pas le cas. En été, et aux latitudes européennes, le Soleil est haut dans le ciel à midi, alors que,
toujours à midi, il est très bas sur l’horizon en hiver. C’est justement l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre de 23° 26′ qui est
la cause de ces variations, des variations de hauteur impliquant des durées du jour elles aussi très variables. Chacun sait que la durée du
jour est très longue en France métropolitaine (16 h) au début de l’été, et assez courte en hiver (8 h). L’ensemble de ces éléments provoque
un phénomène connu de tous : les saisons.
Jusque-là, très bien. Mais quel rapport avec notre pleine lune la plus haute de l’année ce 19 décembre 2021 ?
On a vu que, du fait de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre, le Soleil est très haut au-dessus de l’horizon en été.
Le jour du solstice d’été, en juin, à midi heure solaire, le Soleil est au plus haut de l’année en France métropolitaine. S’il n’y
avait pas d’atmosphère, le ciel ne serait pas bleu et on verrait alors le Soleil dans la constellation des Gémeaux, tout proche de l’amas ouvert M35.
Comment sont positionnés les trois astres Soleil-Terre-Lune lors de la pleine lune ? Ils sont quasi alignés.
Donc, si le Soleil est au plus haut en juin dans les Gémeaux, le jour de la pleine lune ce même mois, la Lune sera à l’opposé du Soleil à plus ou moins 5°
sur l’écliptique, donc
à l’opposé des Gémeaux dans le ciel. Et l’opposé des Gémeaux dans le ciel par rapport au Soleil, c’est la constellation du Sagittaire,
qui elle est assez basse sur l’horizon. La pleine lune de juin aura donc lieu dans le Sagittaire, et ce tous les mois de juin.
Six mois plus tard, en décembre, la Terre a fait un demi-tour autour du Soleil. Le fond d’étoiles derrière le Soleil a bien sûr changé,
défilé, puisque l’on tourne autour. En décembre, le Soleil passe entre la Terre et les étoiles de la constellation du Sagittaire.
Donc, depuis la Terre, le Soleil se situe dans la constellation du Sagittaire. Tiens… c’est là que se projetait la Lune en juin…
Les positions sont dès lors inversées : le jour de la pleine lune de décembre, les trois astres Soleil-Terre-Lune sont à nouveau quasi alignés,
avec le Soleil devant le Sagittaire bas sur l’horizon et, à son opposé, haute dans le ciel, la Lune à la place que tenait le Soleil le 21 juin,
soit dans les Gémeaux, tout près de M35. Voilà pourquoi cette pleine lune sera si haute.
La deuxième raison de cette hauteur tient aussi dans le fait que la pleine lune de décembre 2021 se situe très proche de la date du solstice d’hiver.
Si la pleine lune de décembre avait eu lieu en début de mois, elle se serait trouvée dans
le Bélier ou le Taureau, soit plus basse sur l’horizon lors de son passage au méridien.
Question hauteur, alors que notre satellite culminera à 65° au-dessus de l’horizon sud à Lille, il sera à près de 73° de hauteur depuis Perpignan.
Notons bien sûr que cette particularité est valable tous les ans. La pleine lune la plus haute de l’année aura donc toujours lieu en décembre en
France métropolitaine. On observe un phénomène inverse dans l’hémisphère sud.
Ce qui est original en 2021, c’est que cette pleine lune de décembre, outre qu’elle est la plus haute, ce qui n’a donc rien d’original comme on vient de le voir, est aussi la plus petite pleine Lune de l’année.
Par contre, cette particularité ne sera pas systématiquement liée au mois de décembre. Pas besoin d’aller bien loin pour rechercher l’explication de cette taille minimale : elle est liée à la distance
de la Lune par rapport à la Terre. Cette pleine Lune de décembre 2021 correspond à une proximité du passage de la Lune à son apogée, soit sa distance la plus éloignée de la Terre.
Rappelons qu’il est coutume de dire que la distance moyenne Terre-Lune est de 384 000 kilomètres. Si son demi-grand axe moyen est effectivement
de 384 399 kilomètres, cette valeur médiane se place entre un périgée minimal (distance minimale à la Terre) d’environ 356 400 kilomètres et un apogée
(distance maximale à la Terre) maximal d’environ 406 700 kilomètres. Cela est bien sûr dû au fait que la Lune circule sur une orbite assez elliptique.
Lors de cette pleine Lune du 19 décembre 2021 à 4 h 35 min, la Lune sera située à 405 935 kilomètres de la Terre, soit très proche de son apogée maximal.
Il en découle que son diamètre sera parmi les plus petits possibles.
Qui verra-t-on ?
Doit-on encore la présenter ?
La Lune est le seul satellite naturel de la Terre. Son origine remonterait au tout début de la formation du Système solaire,
lorsque ce dernier avait entre 30 et 60 millions d’années. La Lune se serait formée après la collision de notre planète avec
un objet nommé Théia, de la taille de Mars (environ 6 000 kilomètres de diamètre). Si le choc d’une violence extrême n’a pas démantelé la Terre,
il a provoqué la formation d’un gigantesque nuage de débris qui, après accrétion, a donné naissance à la Lune.
Actuellement, bien que cette dernière soit environ 3 fois plus petite que la Terre (3 475 kilomètres comparés à 12 756 kilomètres), sa masse représente à peine
1 % de celle de la Terre. Elle tourne autour de la Terre en 27,3 jours, ce qui est aussi sa période de rotation sur elle-même.
Il y a là une rotation synchrone qui explique pourquoi on voit toujours la même face. Sa taille apparente dans le ciel est d’environ
30 minutes d’arc, soit quasiment la même taille angulaire que celle du Soleil. Cela est dû à une surprenante coïncidence : le Soleil est
400 fois plus gros que la Lune en taille réelle, mais il est aussi 400 fois plus loin. Au final, les diamètres angulaires apparents sont
quasiment les mêmes. Du fait de sa gravité trop faible (1/6e de la gravité terrestre), la Lune a rapidement perdu son atmosphère.
Voilà ce qui explique pourquoi les astronautes des six missions américaines Apollo voyaient, depuis le sol lunaire, un magnifique ciel
étoilé autour du Soleil. Sa surface montre des paysages désolés : les sols clairs, criblés de cratères, sont les plus vieux, alors que
les plus sombres correspondent à des sols peu élevés qui ont été comblés par des épanchements de lave survenus au cours du premier milliard
d’années.
Que verra-t-on ?
Ce qui est pratique avec notre satellite naturel, surtout en phase de pleine lune, c’est qu’il n’est point besoin d’une carte du ciel ou
de conseils pour la trouver : il suffit juste de lever les yeux. Elle sera visible tout au long de la nuit puisque, c’est une caractéristique
du phénomène de pleine Lune, notre satellite se lèvera en même temps que le Soleil se couche et se couchera approximativement lorsque
ce dernier se lèvera.
Pour pleinement apprécier sa hauteur confortable, on l’observera vers minuit lorsqu’elle sera non loin du méridien nord-sud.
Si le ciel est clair, elle sera éclatante. L’utilisation d’un instrument ne sera pas forcément utile : contrairement à une
idée largement répandue, la pleine Lune n’offre que très peu d’intérêt à l’observation dans une lunette ou un télescope.
Elle est bien plus intéressante en premier et en dernier quartiers, lesquels montrent bien plus de détails (cratères, montagnes…)
dans la zone de transition entre le jour et la nuit. À l’inverse, lors de la pleine lune, le sol est fortement éclairé,
par le dessus, et les détails qui ne projettent plus d’ombre sont noyés dans une lumière presque aveuglante.
Toutefois, une observation avec une paire de jumelles ou une petite lunette astronomique ne sera pas à bannir, car elle permettra
d’admirer par contraste les mers au sol plus sombre, ainsi que les plus gros cratères.
Concernant sa taille minimale, il faudrait avoir une grande habitude à l’observer pour constater qu’elle ne mesurera que 29′ d’arc ce soir-là, au lieu des 33′ maximum possibles.
Le phénomène sera malgré tout assez esthétique : une Lune aveuglante très haute, mais de taille modeste, très proche dans le ciel de l’emplacement qu’occupera le Soleil dans six mois,
le jour du solstice d’été.