Le phénomène du mois que nous vous proposons en ce mois de février 2022 ne sera pas un phénomène ponctuel, mais une observation étalée sur tout le début du mois de la deuxième planète de notre système solaire : Vénus.
Depuis son passage en conjonction inférieure (elle est passée entre le Soleil et la Terre) le 9 janvier dernier, Vénus s’écarte angulairement de plus en plus de l’astre du jour. Elle voit donc son élongation ouest augmenter de jour en jour,
ce qui permet de l’observer le matin. La configuration de sa portion éclairée vue depuis la Terre lui permet d’avoisiner tout au long du mois de février son éclat maximum, qui va osciller entre une magnitude de 4,6 et 4,7. Elle sera donc très
jolie à l’œil nu, mais très intéressante aussi dans un instrument.
Qui verra-t-on ?
Vénus est l’astre le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune. Elle porte aussi le surnom d’étoile du Berger, mais ce terme est impropre et peut porter à confusion, puisqu’il ne s’agit pas d’une étoile, comme le Soleil, mais bien
d’une planète. Du fait de sa révolution autour du Soleil, elle est visible, depuis la Terre, tantôt à l’ouest au coucher du Soleil ; tantôt à l’est au lever du Soleil ; tantôt pas du tout, lorsqu’elle
passe entre la Terre et le Soleil (conjonction inférieure) ou derrière ce dernier (conjonction supérieure).
Vénus est la deuxième planète de notre système solaire par ordre de distance. Située en moyenne à 108 millions de kilomètres du Soleil (la Terre est à 150 millions de kilomètres), elle s’intercale entre Mercure et la Terre.
On parle bien souvent de sœur jumelle de la Terre, car elle lui ressemble sur certains points, en particulier son diamètre qui est très proche (12 104 km, alors que le diamètre équatorial terrestre mesure 12 756 km),
sa masse, ainsi que sa composition. Comme la Terre, elle fait partie des quatre planètes telluriques, ce qui signifie qu’il s’agit d’une planète rocheuse. Plus que la Terre encore, elle a une orbite quasi circulaire.
Mais elle se distingue de la Terre par des caractéristiques parfois très différentes. Par exemple, sa période de rotation sidérale est de 243 jours, alors que la Terre effectue une rotation sidérale en un peu moins d’un jour
(23 h 56 min 04,1 s), et cette rotation est rétrograde, ce qui signifie que sur Vénus, le Soleil se lève à l’ouest tous les 116 jours… D’autre part, l’atmosphère de Vénus contient essentiellement du dioxyde de carbone (CO2) et un peu d’azote, ainsi que du dioxyde de soufre, et il y règne une température de l’ordre de 460 °C.
Que verra-t-on ?
Si le ciel est clair, impossible de rater l’étoile du berger dans les lueurs de l’aube : la planète apparaît comme une grosse étoile blanche au-dessus de l’horizon sud-est. Durant la première quinzaine de février, elle se lève
2 heures 20 minutes avant le Soleil, ce qui laisse une bonne période de visibilité. Seul bémol, elle sera alors située dans la constellation du Sagittaire, soit sur un écliptique toujours assez proche de l’horizon sud. Notons que Vénus ne sera pas esseulée sur l’écliptique, puisqu’elle sera en conjonction géocentrique en longitude avec Mars le 16 février, la planète rouge se situant 6,3° au sud-ouest (plus bas à droite) de l’étoile du Berger. Notons aussi la présence de Mercure, la première planète de notre système solaire étant située à mi-chemin entre Vénus et l’astre du jour, ce qui ne facilitera pas son observation.
Si l’œil ne voit en Vénus qu’une belle « étoile », un instrument même très modeste va montrer, pour celui qui l’observe pour la première fois, une image inattendue, pour ne pas dire déroutante : elle va présenter
au début du mois de février un fin croissant.
Sa fraction éclairée passant de 16 % au 1er février à 37 % au 28 février, son aspect va rappeler tout au long du mois celui d’une Lune montante entre le 4e et le 6e jour avant le premier quartier. Son diamètre apparent passe de 50″ le 1er février à 32″ en fin de mois. Un instrument de 60 à 100 mm d’ouverture, lunette ou télescope, peu importe, et grossissant entre 50 et 100 fois, va permettre d’admirer ce grand croissant fin qui est magnifique à l’observation.
Montrer ce beau spectacle à un observateur néophyte, sans prévenir ce dernier de l’identité de ce qu’il voit, finit bien souvent par la même remarque : « Oooh la Lune… Comme elle est jolie ! ». Et la surprise n’en est que plus grande lorsque l’observateur apprend qu’il observe la deuxième planète du Système solaire.
Occultation de Cérès par la Lune
Les phénomènes d’occultation entre corps majeurs du Système solaire sont rares. Par « majeurs », nous entendons les planètes, les satellites, ainsi que les planètes naines, conformément à la nouvelle typologie du
bestiaire planétaire introduite en 2006 par l’Union astronomique internationale.
2022 sera une année faste de ce point de vue, car elle verra deux occultations par la Lune. La première, celle de Cérès, l’une des cinq planètes naines officielles, le 9 février 2022 ; la seconde, celle de Mars le
8 décembre 2022.
Intéressons-nous ce mois-ci à celle qui va nous concerner très bientôt, il s’agit de l’occultation de Cérès qui, avant 2006, était encore qualifié d’astéroïde. Cérès est le plus gros de ces petits corps, c’est aussi le premier
d’entre eux
à avoir été découvert en 1801. Si son diamètre avoisine les 1 000 km, soit un peu moins de 4 fois la taille de la Lune, sa taille apparente au soir de l’occultation sera plus de 3 000 fois plus petite, ce qui
le rendra indiscernable dans un télescope. Cérès ne se présentera que sous la forme d’un point lumineux, indifférenciable d’une étoile, ce qui a d’ailleurs valu à ce type de corps d’hériter du nom de baptême astéroïde – qui
se présente sous le même aspect qu’une étoile, mais n’en est pas une – donné par l’astronome anglais Herschel en 1802.
Néanmoins, de par son éclat sensible au foyer d’un télescope amateur, sa disparition derrière le disque lunaire sera spectaculaire et durera un peu plus d’une heure. Pour les amateurs éclairés dotés d’une technologie suffisante (caméra
CCD rapide par exemple), il sera même possible de mesurer la durée d’extinction du signal lumineux en provenance de Cérès lors de sa disparition du côté obscur de la Lune, et ainsi d’en déduire sa taille par connaissance de sa vitesse
relative par rapport à la Lune. Cela s’appelle faire de la photométrie amusante.
Seul bémol, le phénomène ne sera pas visible depuis le sol français, qu’il soit métropolitain ou ultramarin. Il sera observable depuis le Japon notamment. Nous donnons en support une visualisation du phénomène vu depuis Tokyo, où les
conditions seront idéales avec une Lune très haute dans le ciel nocturne. Pour espérer voir une occultation de Cérès depuis la France métropolitaine, il faudra patienter jusqu’au 3 mai 2056 – mais l’occultation sera
rasante – et surtout jusqu’au 15 novembre 2095 pour une occultation quasiment centrale, mais avec une Lune très basse sur l’horizon de Paris. En ce qui concerne Cérès, le compromis reste difficile à trouver pour la France.
Si vous êtes au Japon ce 9 février, et parvenez à photographier l'évènement, pensez à nous envoyer vos photos!
Calendrier chinois traditionnel : nouvel an le 1er février 2022
Cette année, l’année lunaire chinoise (年 nián) commence le mardi 1er février 2022 et se termine le lundi 21 janvier 2023.
Cette année lunaire est une année commune de douze mois lunaires. C’est une année 壬寅 (rén yín) qui correspond à la branche terrestre 寅 (yín)
associée au signe du Tigre 虎 (hǔ) et au tronc céleste 壬 (rén) associé à l’élément Eau (水 shuǐ).
L’année solaire (歲岁 suì) est une année commune de onze mois lunaires, elle commence au solstice d’hiver (冬至 dōng zhì) du
21 décembre 2021 et se termine le 21 décembre 2022, veille du solstice d’hiver suivant (冬至 dōng zhì).
Repère géocentrique, les quadratures et les conjonctions sont en ascension droite. Les phénomènes sont donnés en Temps légal français.
1er février
6 h 46 min 01 s
Nouvelle lune.
9 h 56 min 59 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Saturne, différence de déclinaison : − 4° 13′, élongation solaire de Saturne : 3° E.
2 février
22 h 09 min 43 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Jupiter, différence de déclinaison : − 4° 19′, élongation solaire de la Lune : 23° E.
3 février
22 h 12 min 41 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Neptune, différence de déclinaison : − 3° 52′, élongation solaire de la Lune : 35° E.
23 h 22 min 42 s
Mercure est stationnaire dans la constellation du Sagittaire, puis directe.
4 février
14 h 13 min 32 s
Saturne à l’apogée, distance à la Terre : 10,898 25 au, diamètre apparent : 15,2″.
20 h 04 min 40 s
Saturne en conjonction, diamètre apparent : 15,2″, distance à la Terre : 10,898 24 au.
7 février
20 h 38 min 58 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Uranus, différence de déclinaison : − 1° 10′, élongation solaire de la Lune : 82° E.
8 février
14 h 50 min 07 s
Premier quartier de lune.
11 février
3 h 37 min 10 s
La Lune à l’apogée, distance à la Terre : 404 896,550 km, diamètre apparent : 29,59′, longitude moyenne : 79,75°.
13 février
2 h 18 min 29 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre Vénus et Mars, différence de déclinaison : 6° 35′, élongation solaire de Vénus : 40° O.
16 février
17 h 56 min 31 s
Pleine lune.
22 h 06 min 38 s
Mercure en plus grande élongation : 26° 17′ O.
23 février
23 h 32 min 27 s
Dernier quartier de lune.
24 février
14 h 50 min 57 s
Équinoxe d’automne sur la planète Mars.
26 février
23 h 25 min 06 s
La Lune au périgée, distance à la Terre : 367 788,952 km, diamètre apparent : 32,57′, longitude moyenne : 287,90°.
27 février
7 h 28 min 23 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Vénus, différence de déclinaison : − 8° 45′, élongation solaire de Vénus : 45° O.
9 h 58 min 34 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Mars, différence de déclinaison : − 3° 31′, élongation solaire de Mars : 44° O.
28 février
21 h 05 min 29 s
Conjonction géocentrique en ascension droite entre la Lune et Mercure, différence de déclinaison : − 3° 44′, élongation solaire de Mercure : 24° O.
23 h 49 min 56 s
Mercure à l’aphélie, distance au Soleil : 0,466 70 au.
Visibilité de la Lune et des planètes
Planètes visibles entre les latitudes 60° Nord et 60° Sud et les constellations voisines. L’aspect apparent des planètes est calculé pour le 16 février 2022 à 22 h 00 UT.
La Lune
La Lune
La Lune tourne autour de notre planète tout en tournant autour de son axe en approximativement 28 jours : on ne voit donc toujours que la même face de la Lune. Au cours de sa rotation autour de la Terre,
la Lune présente plusieurs phases en fonction de sa position par rapport au Soleil : le premier quartier, la pleine lune, le dernier quartier et la nouvelle lune. Le retour à une même phase se fait en moyenne tous les
29,53 jours : cette durée de révolution s’appelle la lunaison moyenne ou révolution synodique moyenne de la Lune. En raison des perturbations, la lunaison vraie entre deux phases identiques peut varier dans un
intervalle de plus ou moins sept heures par rapport à cette valeur moyenne.
Invisible du matin du 30 janvier au soir du 2 février,
et du matin du 27 février au soir du 3 mars
1Nouvelle lune
8Premier quartier
16Pleine lune
23Dernier quartier
Mercure
Mercure
Mercure est visible le matin à l’aube et en fin de nuit à partir du 2 février, date de sa première visibilité du matin, et jusqu’au 19 février, date de sa dernière visiblilté du matin.
En début de mois, elle se trouve dans la constellation du Sagittaire, qu’elle quitte le 15 février pour entrer dans la constellation du Capricorne.
Diamètre apparent : 6,99″
Magnitude : 0,05
visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Vénus
Vénus
Vénus est visible le matin en fin de nuit et à l’aube. Au cours du mois, elle se lève de plus en plus tôt en fin de nuit.
Elle se trouve tout le mois dans la constellation du Sagittaire.
Diamètre apparent : 38,46″
Magnitude : − 4,63
visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Mars
Mars
Mars est visible le matin en fin de nuit et à l’aube. Au cours du mois, elle se lève de plus en plus tôt en fin de nuit.
Elle se trouve tout le mois dans la constellation du Sagittaire.
Diamètre apparent : 4,51″
Magnitude : 1,30
visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Jupiter
Jupiter
Jupiter est visible le soir au crépuscule et en tout début de nuit jusqu’au 22 février, date de son coucher héliaque du soir à Paris.
Elle se trouve tout le mois dans la constellation du Verseau.
Diamètre apparent : 33,15″
Magnitude : − 2,04
visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Saturne
Saturne
Saturne n’est pas visible durant le mois de février.
Elle se trouve tout le mois dans la constellation du Capricorne.
Diamètre apparent : 15,21″
Magnitude : 0,72
non visible à l’œil nu
non visible aux jumelles
non visible au télescope
Uranus
Uranus
Uranus est visible le soir et une partie de la nuit en se couchant de plus en plus tôt. À partir du 14 février, elle se couche avant minuit vrai.
Elle est tout le mois dans la constellation du Bélier.
Diamètre apparent : 3,51″
Magnitude : 5,79
non visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Neptune
Neptune
Neptune est visible le soir au crépuscule et en début de nuit. Au cours du mois, elle se couche de plus en plus tôt.
Elle est tout le mois dans la constellation du Verseau.
Diamètre apparent : 2,17″
Magnitude : 7,95
non visible à l’œil nu
visible aux jumelles
visible au télescope
Portail des formulaires de calcul de l’IMCCE
Portail des formulaires de calcul de l’IMCCE
N’oubliez pas que vous pouvez aussi calculer les instants des levers et couchers des astres et visualiser leur aspect apparent à n’importe quelle date et depuis n’importe quel lieu sur Terre grâce à notre portail de calculs
d’éphémérides : https://ssp.imcce.fr.
Cartes du ciel
Cartes du ciel des étoiles brillantes et des planètes visibles dans le ciel de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud,
vers l’horizon nord et l’horizon sud, pour le 15 février 2022.
Hémisphère nord, en direction du nord – 23 h Temps légal français
Hémisphère nord, en direction du sud – 23 h Temps légal français
Hémisphère sud, en direction du nord – 23 h Temps local aux Makes, La Réunion
Hémisphère sud, en direction du sud – 23 h Temps local aux Makes, La Réunion
Vue dans le plan de l’écliptique
Dans sa course apparente sur l’écliptique, le Soleil est accompagné de plusieurs planètes proches. Celles qui sont à l’est peuvent être observées au coucher du Soleil et en début de nuit selon leur élongation et leur
magnitude, celles qui sont à l’ouest le seront en fin de nuit et au lever du Soleil sous les mêmes conditions. La figure suivante montre la configuration au 15 février 2022.
culture astronomique
La Connaissance des temps : un journal scientifique publié depuis 1679, épisode XXIII
La Connaissance des temps (CDT) publie depuis 1679 les éphémérides des corps célestes, ainsi que diverses tables et données à destination des astronomes et des curieux de l’astronomie.
Dans cette lettre d’information, nous continuons d’explorer l’histoire scientifique de cet ouvrage et de voir son évolution au cours des trois derniers siècles. La CDT a‑t‑elle beaucoup changé ? A‑t‑elle
été
influencée par les événements politiques ? A‑t‑elle participé à l’essor des sciences en général et de l’astronomie en particulier ? Nous allons tenter de répondre à ces questions par une lecture attentive des
342 volumes de la CDT publiés à ce jour.
Vous trouverez dans les textes que nous proposons des liens vers les pages de la Connaissance des temps que nous citons pour vous permettre d’avoir accès aux textes originaux.
Cheops dévoile une exoplanète en forme de ballon de rugby
La mission exoplanète de l’ESA, Cheops, a révélé qu’une exoplanète orbitant autour de son étoile hôte en une journée a une forme déformée plus proche de celle d’un ballon de rugby que d’une sphère. C’est la première fois que la
déformation d’une exoplanète est détectée, offrant de nouvelles informations sur la structure interne de ces planètes extrêmement proches de leur étoile.
La planète, connue sous le nom de WASP-103b, est située dans la constellation d’Hercule. Elle a été déformée par forces de marée entre la planète et son étoile hôte WASP-103, qui est environ 200 degrés plus chaude et 1,7 fois
plus grande que le Soleil.
Déformation de marée
Nous sommes familiers avec les marées océaniques, principalement dues à l’attraction de la Lune, tirant légèrement sur notre planète alors qu’elle orbite autour de nous. Le Soleil a également un effet faible, mais significatif sur les
marées. Cependant, il est trop éloigné de la Terre pour provoquer des déformations significatives sur notre planète. On ne peut pas en dire autant de WASP-103b, une planète presque deux fois plus grande que Jupiter avec 1,5 fois sa
masse, orbitant autour de son étoile hôte en moins d’une journée. Les astronomes ont soupçonné qu’une telle proximité provoquerait des marées monumentales, mais jusqu’à présent, ils n’ont pas pu les mesurer.
En utilisant de nouvelles données du télescope spatial Cheops de l’ESA, combinées à des données qui avaient déjà été obtenues par le télescope spatial NASA/ESA Hubble et le télescope spatial Spitzer de la NASA, les astronomes ont
maintenant pu détecter comment les forces de marée déforment l’exoplanète WASP-103b en forme de ballon de rugby.
Cheops mesure les transits d’exoplanètes – la baisse de lumière provoquée lorsqu’une planète passe devant son étoile. Ordinairement, l’étude de la forme de la courbe de lumière révèle des détails sur la planète, tels que sa taille.
La haute précision de Cheops ainsi que sa facilité de pointage, qui permet au satellite de revenir vers une cible et d’observer de multiples transits, ont permis aux astronomes de détecter le signal infime de la déformation de marée de
WASP-103b. Cette signature distincte peut être utilisée pour en dévoiler encore plus sur la planète.
« Avec mon ancien élève, Alexandre Correia, aujourd’hui professeur associé à l’université de Coimbra [Portugal], nous avons proposé il y a six ans que Cheops pouvait être capable de détecter la déformation de marée d’une planète
suffisamment proche de son étoile. Ceci était motivé par une étude théorique qu’Alexandre venait de publier. Nous savions que ce serait extrêmement difficile, et après avoir recherché tous les candidats possibles, nous avons sélectionné
WASP-103b comme la meilleure cible pour cette quête. Bien que nous ayons fait cette prédiction, je suis encore étonné que Cheops ait réellement pu révéler cette petite déformation. C’est la première fois qu’une telle analyse est faite,
et nous pouvons espérer que l’observation sur un intervalle de temps plus long renforcera cette observation et conduira à une meilleure connaissance de la structure interne de la planète », a déclaré Jacques Laskar, directeur de
recherche au CNRS, directeur de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) à l’Observatoire de Paris, Université PSL, et co-auteur de la recherche.
Une planète gonflée
L’équipe a pu utiliser la courbe de lumière de transit de WASP-103b pour dériver un paramètre – le nombre de Love – qui mesure la répartition de la masse à l’intérieur d’une planète. Comprendre comment la masse est distribuée
peut révéler des détails sur la structure interne de la planète.
« La résistance d’un matériau à la déformation dépend de sa composition », explique Susana Barros de l’Instituto de Astrofísica e Ciências do Espaço et de l’Université de Porto, au Portugal, et auteur principal de la
recherche. « Par exemple, ici sur Terre, nous avons des marées dues à la Lune et au Soleil, mais percevons surtout les marées océaniques. La partie rocheuse ne bouge pas beaucoup. En mesurant à quel point la planète est déformée,
nous pouvons dire combien elle est rocheuse, gazeuse ou aqueuse. »
Le nombre de Love pour WASP-103b est similaire à celui de Jupiter, ce qui suggère que la structure interne est similaire, bien que WASP-103b ait un rayon deux fois plus grand.
« En principe, nous nous attendrions à ce qu’une planète avec 1,5 fois la masse de Jupiter soit à peu près de la même taille, donc WASP-103b doit être très gonflée en raison du chauffage de son étoile et peut-être d’autres
mécanismes », explique Susana.
« Si nous pouvons confirmer les détails de sa structure interne avec de futures observations, nous pourrons peut-être mieux comprendre ce qui la rend si gonflée. Connaître la taille du noyau de cette exoplanète sera également
important pour mieux comprendre comment elle s’est formée. »
Étant donné que l’incertitude du nombre de Love est encore assez élevée, il faudra de futures observations avec Cheops et le futur
télescope spatial James Webb (JWST) pour en déchiffrer les détails. La précision extrêmement élevée de JWST améliorera les mesures de déformation de marée des exoplanètes, permettant une meilleure comparaison entre ces
« Jupiters chauds » et les planètes géantes du Système solaire.
Mouvement mystérieux
Un autre mystère entoure également WASP-103b. Les interactions de marée entre une étoile et une planète très proche de la taille de Jupiter devraient entraîner un raccourcissement de la période orbitale de la planète, la rapprochant
progressivement de l’étoile avant qu’elle ne soit finalement engloutie par son étoile mère. Cependant, les mesures de WASP-103b semblent indiquer que la période orbitale pourrait augmenter et que la planète s’éloigne lentement de
l’étoile. Cela indiquerait que quelque chose d’autre que les forces de marée affecte cette planète.
Susana et ses collègues ont examiné d’autres scénarios potentiels, tels qu’une étoile compagnon de l’hôte affectant la dynamique du système ou l’orbite de la planète légèrement elliptique. Ils n’ont pas été en mesure de confirmer ces
scénarios, mais ne pouvaient pas non plus les exclure. Il est également possible que la période orbitale diminue au lieu d’augmenter, mais seules des observations supplémentaires des transits de WASP-103b avec Cheops et d’autres
télescopes permettront de faire la lumière sur ce mystère.
« La taille de l’effet de la déformation des marées sur une courbe de lumière de transit d’une exoplanète est très petite, mais grâce à la très haute précision de Cheops, nous sommes en mesure de le voir pour la première
fois », explique Kate Isaak, scientifique du projet de l’ESA pour Cheops. « Cette étude est un excellent exemple des questions très diverses que les scientifiques des exoplanètes sont capables d’aborder avec Cheops, illustrant
l’importance de cette mission permettant un suivi flexible. »
Chercheurs de l’IMCCE/Observatoire de Paris – PSL impliqués dans l’étude
L’équipe de l’IMCCE est composée de J. Laskar (membre du Science Team de Cheops), G. Boué (collaborateur du Science Team de Cheops) et de A.C.M. Correia de l’université de Coimbra (Portugal), membre associé de l’IMCCE.
L’équipe de l’IMCCE a développé au cours des dernières décennies une forte expertise en mécanique céleste et déformation de marée des corps célestes.
Plus d’informations sur Cheops
Cheops est une mission de l’ESA développée en partenariat avec la Suisse, avec un consortium coordonné par l’université de Berne, et avec des contributions importantes de l’Autriche, de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, de la
Hongrie, de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne, de la Suède et du Royaume-Uni.
L’ESA est l’architecte de la mission Cheops, responsable de l’approvisionnement et des tests du satellite, de la phase de lancement et des premières opérations, et de la mise en service en orbite, ainsi que du programme d’observateurs
invités grâce auquel les scientifiques du monde entier peuvent postuler pour observer avec Cheops. Le consortium de 11 États membres de l’ESA coordonné par la Suisse a fourni des éléments essentiels de la mission.
La France participe activement à la mission Cheops. Le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM) a développé le logiciel de traitement et de calibration des données. Le LAM, le LOAG (Grenoble), l’IMCCE (Paris), l’IAP (Paris) et
l’IPGP (Paris) sont impliqués dans l’analyse scientifique des données sur des sujets aussi divers que la dynamique des systèmes planétaires et l’analyse de leur stabilité, la mesure de l’intensité des effets de marées et de la
déformation des corps célestes, la détermination précise du rayon des planètes, la détection possible d’anneaux, de satellites, ou de co-orbitaux.
en savoir plus
Référence
S.C.C. Barros, B. Akinsanmi, G. Boué, A.M.S. Smith, J. Laskar, et al. (2021), “Cheops reveals the tidal deformation of WASP-103b”, Astronomy & Astrophysics, 11 janvier 2022, DOI: www.aanda.org/10.1051/0004-6361/202142196
Compte tenu de la fermeture de l’Observatoire de Paris, les séminaires habituellement ouverts au public sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.
Bureau des longitudes
Mercredi 2 février 2022 – 14 h 30
Le sel de la mer vu de l’espace : l’expérience SMOS vole depuis 12 ans !
Jacqueline Boutin (LOCEAN/IPSL)
L’accès à la conférence en ligne sera possible via ce lien.
Vous pourrez vous connecter à partir de 14 h (ID de réunion : 438 670 3347, code secret : BDL).