Cette éclipse totale de Soleil est la première de l’année 2024, et sera, comme toujours, l’un des phénomènes célestes les plus spectaculaires à vivre et à observer.
Circonstances générales de l’éclipse
Le tableau ci-dessous donne les circonstances générales de l’éclipse (en UTC). La durée de l’éclipse générale est de 5 h 10 min, la durée de la phase centrale est de 3 h 16 min et sa magnitude est de 1,0579.
Phases | Instant UTC |
Longitude λ |
Latitude φ |
---|---|---|---|
Début de l’éclipse générale (P1) | 15 h 42 min | − 143° 06′ 35″ | − 14° 57′ 40″ |
Début de l’éclipse totale (O1) | 16 h 38 min | − 158° 12′ 44″ | − 8° 02′ 39″ |
Début de l’éclipse centrale | 16 h 40 min | − 158° 32′ 15″ | − 7° 49′ 16″ |
Maximum de l’éclipse (M) | 18 h 17 min | − 104° 08′ 37″ | 25° 17′ 28″ |
Fin de l’éclipse centrale | 19 h 54 min | − 19° 47′ 27″ | 47° 37′ 10″ |
Fin de l’éclipse totale (O4) | 19 h 55 min | − 20° 08′ 43″ | 47° 24′ 16″ |
Fin de l’éclipse générale (P4) | 20 h 52 min | − 36° 06′ 15″ | 40° 33′ 01″ |
Cette éclipse est visible sur les deux hémisphères terrestres, mais principalement sur l’hémisphère nord. Sa limite boréale passe près du pôle Nord, alors que sa limite australe descend à plus de 38° de latitude sud. Sa bande de totalité traverse une bonne partie de l’océan Pacifique, puis le Mexique, les États-Unis, l’est du Canada et prend fin sur l’océan Atlantique Nord. Elle est visible sous la forme d’une éclipse partielle sur une grande partie de l’Amérique du Nord, sur l’Amérique centrale et sur le nord-ouest de l’Europe (Islande, Irlande, Écosse et Svalbard). Elle est visible sous forme partielle en Polynésie française. Elle est partiellement visible en Guadeloupe, mais à moins de 0,5 % d’obscuration, car très proche de la limite australe de la zone de pénombre.
À travers le portail des formulaires de calcul de l’IMCCE, vous pouvez également obtenir les circonstances locales de l’éclipse, télécharger les cartes de l’éclipse générale et retrouver toutes les éclipses passées et futures. Les résultats sont constamment actualisés en fonction des avancées de la recherche.
Comment observer une éclipse sans danger ?
Il ne faut absolument pas regarder le Soleil directement à l’œil nu pour tenter de voir une éclipse, car les rayons peuvent brûler la rétine, de façon tout à fait indolore et avec pourtant des conséquences irréversibles.
Pour observer une éclipse, il y a 2 méthodes sûres :
- les lunettes spéciales éclipses certifiées par la directive européenne 89/686/CEE
- l’observation indirecte par projection : un trou d’épingle dans une feuille cartonnée projettera l’image du Soleil éclipsé sur une deuxième feuille cartonnée. La taille de l’image dépendra de la distance entre les 2 feuilles
Que se passe-t-il lors d’une éclipse de Soleil ?
Le Soleil ne peut être éclipsé que dans ses conjonctions avec la Lune (phase de nouvelle lune), celle-ci s’interpose alors entre la Terre et le Soleil. Bien que la Lune soit incomparablement plus petite que le Soleil, elle est cependant suffisamment proche de la Terre pour que son diamètre apparent soit sensiblement égal à celui du Soleil et que l’on puisse observer des éclipses solaires totales.
Si le plan de l’orbite lunaire coïncidait parfaitement avec celui de l’écliptique, nous assisterions chaque mois à une alternance d’éclipses de Soleil et de Lune pour chaque conjonction et chaque opposition de la Lune et du Soleil. Mais du fait de l’inclinaison mutuelle de ces plans, la Lune, dans ses conjonctions et ses oppositions (syzygies), est souvent élevée au-dessus du Soleil ou du cône d’ombre de la Terre, ou abaissée sous le Soleil ou sous le cône d’ombre de la Terre. Elle ne peut recouvrir le Soleil ou passer dans le cône d’ombre de la Terre que si elle se trouve au voisinage de l’un de ses nœuds. Ce qui sera le cas ici.
Pour en savoir plus sur les éclipses et les autres phénomènes d’occultations, explorer ce module interactif.
L’éclipse n’existe effectivement que pour les observateurs situés sur la bande de centralité sur Terre. En dehors de la bande de centralité, mais dans la zone de pénombre, les observateurs verront une éclipse partielle. Pour tout observateur au-delà de cette zone, qu’il soit sur Terre ou ailleurs dans l’espace, la Lune et la Terre n’auront aucune danse commune à présenter.
Que se passera-t-il en Polynésie française ?
Tous les horaires issus de notre documentation sont en UTC, il faut leur retirer 10 h pour être en temps local à Papeete.
Comme nous le voyons dans les circonstances locales propres à Papeete, le phénomène débutera à 5 h 42 heure locale, atteindra son maximum à 6 h 34 et se terminera à 7 h 29. Le Soleil et la lune se levant respectivement à 6 h 07 et 6 h 06, le phénomène suivra le lever du Soleil qui se trouvera temporairement éclipsé par la Lune, comme une course à celui qui se lèvera le premier. La lune se déplaçant, en apparence pour un observateur sur Terre, plus vite autour de la Terre que le couple Terre-Lune autour du Soleil, c’est elle qui gagnera la course, et chacun poursuivra son chemin sur la voûte céleste.
L’observation ne sera cependant pas évidente, et ce pour deux raisons :
- L’éclipse n’étant que partiellement visible depuis Papeete, l’obscuration ne sera que de 60 %, ce qui signifie que la zone ne sera pas plongée pleinement dans l’obscurité. En réalité, la baisse de l’éclat du Soleil, d’à peine 40 %, est trop faible pour que l’on s’en rende compte si l’on ignore qu’une éclipse est en cours.
- L’instant correspondant au lever du Soleil, le phénomène aura lieu à une très faible hauteur au-dessus de l’horizon est, du côté du lever du Soleil. Moins de 6° de hauteur lors du maximum, c’est-à-dire lorsque la baisse de luminosité sera maximale.
C’est donc une éclipse pour les lève-tôt et pour ceux qui pourront monter dans les hauteurs de Tahiti, bien au-dessus de l’horizon local.
Et à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
Tous les horaires issus de notre documentation sont en UTC, il faut leur retirer 2 h pour être en temps local à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le phénomène débutera donc à 16 h 36 et terminera à 18 h 47, l’obscuration sera très importante, 98,6 % et le phénomène se situera à 26,25° au-dessus de l’horizon, ce qui promet de belles observations du phénomène !
Pour aller plus loin
Le maximum de cette éclipse a lieu un jour après le passage de la Lune à son périgée, le diamètre apparent de la Lune (33′ 12,3″) est bien supérieur à celui du Soleil. Il a lieu après le passage de la Lune par son nœud ascendant et peu de temps (3,6 min) avant l’instant de la nouvelle lune. Durant l’éclipse, la Lune se trouve dans la constellation des Poissons.
Voici la suite des événements relatifs à la Lune sur cette courte période de temps.
7/04/2024 à
5 h 13 min 15 s UTC
La Lune entre dans la
constellation des Poissons.
7/04/2024 à
15 h 45 min 57 s UTC
la Lune a une
déclinaison nulle et croissante, ascension droite : 0 h 11,9 min.
7/04/2024 à
17 h 51 min 20 s UTC
La Lune au périgée,
distance à la Terre : 358 850 km, diamètre apparent : 33,29′.
7/04/2024 à
22 h 52 min 04 s UTC
La Lune entre dans la
constellation de la Baleine.
8/04/2024 à
1 h 08 min 46 s UTC
La Lune entre dans la
constellation des Poissons.
8/04/2024 à
18 h 17 min 21 s UTC
Maximum de l’éclipse.
8/04/2024 à
18 h 20 min 52 s UTC
Nouvelle lune.
Série longue de saros contenant cette éclipse
Comme toutes les éclipses de Soleil, cette éclipse est l’un des membres d’une grande famille qui en dénombre 71. Leur caractéristique la plus remarquable réside dans le fait que les éclipses qui composent cette famille sont quasiment identiques. Il y a comme une génétique propre des éclipses qui résulte de coïncidences dans les mouvements célestes qui sont connues depuis l’Antiquité. Elles tiennent en particulier dans le constat simple qu’au bout de 223 lunaisons de 29,53 jours (durée moyenne du mois lunaire entre une nouvelle lune et la suivante), la Lune revient presque exactement à une même position sur son orbite ainsi que vis-à-vis du Soleil. La conséquence est immédiate, si une éclipse survient à une date donnée, une autre éclipse se produira 223 mois (lunaires) plus tard. En outre, cette éclipse sera l’homologue de la précédente au sens où ses caractéristiques générales (type d’éclipse, obscuration, durée…) seront très voisines de la précédente, même si elles évoluent lentement dans le temps. Elles partageront ainsi des traits de famille communs.
Cette période de récurrence de 223 lunaisons – environ 18 ans et 11 jours – porte le nom de saros. Sa reconnaissance dès les temps antiques a permis aux Babyloniens et aux Grecs d’être en mesure de prédire le retour d’une éclipse homologue. Toutefois, le saros seul ne leur permettait pas de prédire de façon précise les lieux sur Terre où il serait donné d’observer l’éclipse. En effet, la période du saros de 223 lunaisons correspond à une durée de 6 585,321 314 jours. Cette durée ne comporte pas un nombre entier de jours écoulés. Si c’était le cas, l’éclipse se reproduirait après un nombre entier de rotations de la Terre et serait donc visible en un même lieu. Au lieu de cela, l’éclipse se déplacera sur Terre en longitude d’environ 120° (1/3 de 360°), ce qui correspond à la partie décimale du saros exprimée en unités angulaires, soit 0,321 314 jour – approximativement 8 h ou 1/3 de jour. Il en découle qu’après 3 saros – cycle de 54 ans nommé exeligmos –, une éclipse homologue reviendra en des lieux très voisins, mais à une date légèrement décalée d’un mois (l’exeligmos est en fait de 54 ans et 32 jours). Nous pouvons le vérifier avec l’éclipse présente dont l’homologue pour une même zone de visibilité sur Terre surviendra le 11 mai 2078.
Cette éclipse appartient à une série longue de saros comportant 71 éclipses homologues successives. La durée de vie d’une telle famille est donc de 1 262 ans. La première éclipse de la famille a pris naissance du côté du pôle Nord le 17 mai 1501. Les éclipses successives descendent lentement vers le pôle Sud où la famille s’éteindra le 3 juillet 2763. Elle se compose de sept éclipses partielles, suivies de onze éclipses hybrides et de quarante-quatre éclipses totales. Puis la série longue se termine avec neuf éclipses partielles. C’est une série très riche en éclipses centrales (55) et pauvre en éclipses partielles (16). L’éclipse du 8 avril 2024 est la trentième éclipse de la série et la douzième éclipse totale.