La conjonction de Mars et d’Uranus du 20 janvier 2021
Le phénomène intéressant en ce mois de janvier 2021 est le rapprochement entre deux planètes de notre système solaire : il s’agit de la conjonction qui aura lieu le 20 janvier entre Mars et Uranus.
Il est plus souvent coutume de présenter des conjonctions entre des objets visibles à l’œil nu. Nous avons eu le mois dernier un magnifique rapprochement entre Jupiter et Saturne, toutes deux visibles à l’œil nu. Pourtant, ce mois-ci, nous sortons des sentiers battus en proposant le rapprochement de Mars, une planète souvent assez brillante et donc bien visible à l’œil nu, et Uranus, qui elle ne l’est pas.
Quel est donc l’intérêt de proposer d’observer cette conjonction, sachant qu’un seul des deux astres sera visible ? Car à l’œil nu, il n’y aura bien sûr aucune conjonction. L’intérêt réside ainsi dans le fait que cette proximité va permettre d’accéder facilement, si l’on dispose d’un instrument d’astronomie, même modeste, à la planète Uranus.
Cette planète, pourtant accessible avec une simple paire de jumelles, ne fait pas partie des grands classiques de l’astronome amateur qui découvre le ciel. Dans des optiques modestes et à faible grossissement, elle n’est visible que sous la forme d’un point, comme une banale étoile. De ce fait, souvent perdue dans des champs trop riches (Voie lactée) ou trop pauvres de l’écliptique, donc pas toujours facile à trouver, elle est souvent absente du tableau de chasse des curieux du ciel.
Cette conjonction va donc permettre, même à un néophyte ou à un curieux du ciel équipé d’un instrument modeste, de pouvoir pointer et observer la lointaine planète. Il lui suffira de repérer Mars et de suivre quelques indications sommaires pour ensuite trouver Uranus.
Qui verra-t-on ?
Mars est la quatrième et dernière planète rocheuse de notre système solaire. Rappelons que les 3 premières sont Mercure, Vénus et la Terre. Mars est un objet assez petit, puisqu’elle est environ deux fois plus petite que la Terre (diamètre équatorial de 6 792 km contre 12 756 km pour la Terre). Elle est située en moyenne à 228 millions de kilomètres du Soleil, soit 1,52 unité astronomique (1 au = distance Terre-Soleil, soit 149,6 millions de kilomètres).
Mars est aussi appelée la planète rouge. Cette teinte qui est plus proche du jaune orangé à l’œil nu tient à la composition chimique du sol martien. Ce sol contient beaucoup de fer. En se combinant avec l’oxygène présent sur Mars, ce fer s’est oxydé : il est donc devenu de la rouille, matériau qui donne sa couleur caractéristique à Mars.
Mars et la Terre semblent avoir eu des conditions physiques très similaires au cours de leur premier milliard d’années d’existence. De très nombreux éléments actuellement visibles à la surface de Mars font penser que Mars a connu de grandes étendues d’eau liquide, probablement sous forme d’océan. Mais de cette eau liquide, on n’en voit aucune trace aujourd’hui. C’est même le contraire que l’on observe : la planète rouge est essentiellement recouverte de zones désertiques.
Qu’est devenue cette eau liquide ? Les astronomes pensent qu’elle est actuellement capturée sous forme de glace sous la surface martienne. Pourquoi cette eau liquide a-t-elle disparu ? Pour exister sous forme liquide, la molécule d’eau a besoin de deux conditions physiques : une température comprise entre 0 et 100° C et de la pression atmosphérique (environ 1 bar). Si ces deux conditions étaient remplies au cours du premier milliard d’années, elles n’ont pas pu se maintenir par la suite. Pourquoi ? Il faut chercher du côté de la différence de taille, et plus encore de masse. Si Mars est deux fois plus petite que la Terre en taille, elle est aussi dix fois moins massive. C’est cette différence très conséquente de masse qui est à l’origine de la disparition de l’eau. En effet, avec seulement 1/10e de la masse terrestre, Mars a commencé à perdre rapidement son atmosphère, et par là même, la pression atmosphérique a chuté d’autant, ne permettant plus l’existence d’une eau liquide.
Aujourd’hui, les planétologues estiment que la pression atmosphérique de Mars doit avoisiner 6 millibars, soit une valeur 170 fois plus faible que l’atmosphère terrestre. La température moyenne à la surface de Mars est d’environ − 60° C et, lors des périodes de « canicule », cette température monte à + 10° C.
Uranus est la septième planète par ordre de distance au Soleil et la troisième planète gazeuse, après Jupiter et Saturne, et avant Neptune. Elle est située à 18,83 au, soit 2,82 milliards de kilomètres du Soleil, ce qui implique une période de rotation de 84 ans autour de notre étoile.
Comme ses quatre compagnes, on pense qu’Uranus possède un noyau solide de fer et de silicates, de taille comparable à la Terre. On peut la considérer comme une sœur jumelle de Neptune, dont elle est très proche en taille (environ 50 000 km de diamètre, soit presque trois fois plus petite que Jupiter). Elle est toutefois quatre fois plus grosse que la Terre.
En termes de composition chimique, comme Jupiter et Saturne, mais aussi Neptune, elle partage une très forte proportion d’hydrogène et d’hélium. Comme Neptune uniquement, elle possède des gaz volatils, comme l’eau, l’ammoniac et le méthane (éléments quasi inexistants sur Jupiter et Saturne).
En mars 1977, une équipe de chercheurs américains a mis en évidence l’existence d’anneaux autour d’Uranus, tout comme Saturne, même si ceux d’Uranus sont bien moins larges et complexes que ceux de Saturne. Uranus est l’un des objectifs de la sonde Voyager 2, première sonde à effectuer un survol de la planète en janvier 1986, mettant en évidence la présence d’un champ magnétique, dont l’intensité est proche de celui de la Terre, et qui est incliné de 60° par rapport à l’axe de rotation de la planète.
Une autre des particularités de cette planète est son axe de rotation très incliné. Cette forte inclinaison fait que l’on dit d’Uranus qu’elle « roule » sur son orbite ; en d’autres termes, tantôt son pôle Nord « regarde » le Soleil, tantôt (soit une quarantaine d’années plus tard…), c’est le pôle Sud qui le « regarde ».
Que verra-t-on ?
Le 20 janvier 2021, vers 19 h 00 (UTC), les deux planètes seront situées sur le méridien nord-sud, dans la constellation du Bélier, hautes dans le ciel puisqu’à environ 55° au‑dessus du point cardinal Sud. Avec une magnitude de − 1,52, Mars sera donc bien visible, environ 8° au sud de l’étoile α du Belier (Hamal). Dès qu’on aura repéré Mars, une simple paire de jumelles, même de modestes 8 × 30, suffira pour repérer Uranus, située quant à elle à 1,6° (soit environ trois fois le diamètre lunaire) au sud/sud-est de Mars. Dans une paire de jumelles, Uranus apparaîtra comme une petite étoile de magnitude 5,8.
Contrairement à la Grande Conjonction du mois précédent, où il était possible de voir des détails sur les deux planètes Jupiter et Saturne, cette conjonction entre Mars et Uranus sera beaucoup plus avare en belles images planétaires. Mars était en opposition en octobre dernier (voir la Lettre d’information de l’IMCCE d’octobre 2020). Le 6 octobre, son diamètre apparent de 22,6″ d’arc permettait de voir de nombreux détails à sa surface, même avec un modeste instrument de 150 mm d’ouverture. Mais, depuis cette date, la Terre s’est déplacée sur son orbite autour du Soleil et les deux planètes se sont éloignées (Mars sera ce 20 janvier 2021 à 162 millions de kilomètres de la Terre, alors qu’elle n’en était qu’à 62 millions au début du mois d’octobre 2020).
Il en résulte que le jour de la conjonction de Mars avec Uranus, la planète rouge n’offrira un diamètre que de 8,6″. De plus, vus d’en haut, les trois astres Soleil, Terre et Mars dessinant un triangle, Mars ne montre pas, vue depuis la Terre, un disque rond. Seuls 89 % de sa surface étant illuminés, elle montre un phénomène de phase (comme notre satellite entre le premier quartier et la pleine Lune). La combinaison d’un diamètre restreint et d’une Mars gibbeuse réduit à quasi-néant tout espoir de voir des détails sur la planète rouge.
En ce qui concerne Uranus, c’est encore pire bien sûr. Située à près de 2,8 milliards de kilomètres, elle offre un diamètre apparent de 3,6″. En observation visuelle et avec un instrument amateur, il est illusoire d’espérer voir des détails à sa surface. De furtifs détails peuvent être mis en évidence seulement en imagerie CCD et avec de puissants traitements d’images. Autant dire qu’en ce 20 janvier 2021, si les conditions sont bonnes pour repérer les deux planètes dans le ciel, ces conditions ne feront pas date pour admirer des détails planétaires.
Est-ce à dire qu’observer cette conjonction n’a aucun intérêt ?
Que non !
Dans des optiques modestes, jumelles, et instruments de 60 à 100 mm et jusque 1 mètre de focale, on pourra, à très faible grossissement, les repérer dans le même champ dans le ciel et, au plus fort grossissement possible (150 à 180 fois), on admirera de minuscules billes colorées : ton orangé pour Mars et gris bleuté pour Uranus. L’observateur qui voudrait en voir un peu plus devra posséder un instrument dont la combinaison optique offre une grande focale, soit un Maksutov, soit une Schmidt-Cassegrain, pouvant atteindre 2,80 m de focale. Dès lors, des grossissements de 250 à 300 fois montreront nettement la forme gibbeuse de Mars, peut-être quelques furtifs détails si la turbulence est très faible, et montreront aussi un joli confetti bleuté pour Uranus. Même si cette dernière ne montre pas de détails, le fait de voir un disque net et brillant est déjà une belle satisfaction si l’on considère la distance qui nous sépare de la planète gelée.
Notons qu’une intruse ne va pas faciliter l’observation ce soir-là : la Lune sera située à environ 10° au sud-ouest des deux planètes le jour de la conjonction. Toutefois, les deux planètes seront aussi très proches 3 ou 4 jours avant et après le 20 janvier. On pourra donc faire cette observation entre le 15 et le 25 janvier, à une date où la Lune sera plus éloignée dans le ciel.
Pour l’anecdote, notons un phénomène pour le moins extraordinaire : une conjonction tellement rapprochée entre ces deux planètes que la planète Mars va… éclipser, occulter Uranus. La scène sera visible à Paris. Mais il y a deux bémols : le premier, c’est que l’événement aura lieu en plein jour, à 9 h 45 UTC en géocentrique pour être précis. Le deuxième, c’est qu’il va falloir compter sur quelques progrès de la médecine pour que des lecteurs de ces lignes puissent assister à un phénomène qui aura lieu le 6 février… 2825.