Occultation de Bételgeuse par l’astéroïde (319) Leona
Le 12 décembre 2023, l’astéroïde (319) Leona occultera la géante rouge Bételgeuse. Astronome à l’IMCCE, Josselin Desmars participera à la campagne d’observation du phénomène ; il répond à nos questions.
Pourquoi observer cette occultation en particulier ?
Contrairement aux occultations que nous avons l’habitude d’observer dans le but d’obtenir des informations précises sur l’astéroïde occultant, l’étoile occultée est ici l’objet que nous visons à étudier. Il s’agit de Bételgeuse, l’une des étoiles de la constellation d’Orion, qui est particulièrement brillante (magnitude entre 1 et 0). C’est une géante rouge qui devrait exploser en supernova d’ici quelques milliers d’années. Il y a à sa surface des cellules convectives gigantesques, ce qui intéresse tout particulièrement Miguel Montargès, spécialiste de physique stellaire au LESIA (Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique à l’Observatoire de Paris), avec lequel nous coordonnons cette campagne d’observation.
L’intérêt de cette occultation est d’obtenir des informations sur la surface de l’étoile et d’appréhender la localisation de ces cellules. Outre le fait que Bételgeuse est une étoile visible à l’œil nu (ce qui est rare pour une occultation), l’autre particularité de cette occultation est que (319) Leona et Bételgeuse auront sensiblement le même diamètre apparent, rendant son observation comparable à celle d’une éclipse de Soleil, avec des phases partielles, et possiblement une phase de totalité. Nous ne savons pas en réalité si l’occultation sera totale, mais cela ne change en rien notre objectif.
Le phénomène devrait durer une dizaine de secondes et être observable sur une bande allant du sud de l’Europe au sud de la Floride. L’observation elle-même consistera à enregistrer des images à haute fréquence pour obtenir une courbe de lumière détaillée du phénomène.
Que sait-on de (319) Leona ?
(319) Leona est un astéroïde de la ceinture principale qui mesure environ 70 km par 58 km. Connaître la forme de (319) Leona au moment de l’occultation sera indispensable pour analyser finement les résultats. Deux occultations en septembre ont permis de préciser sa taille et d’apporter des contraintes pour modéliser sa forme et sa rotation. (319) Leona est également régulièrement observé pour mesurer des variations de luminosité dues à sa forme. D’autres occultations plus classiques par (319) Leona seront observables après le 12 décembre, notamment les 30 et 31 décembre en France. Toutes ces données permettront de préciser la forme apparente de (319) Leona au moment de l’occultation.
Quel matériel allez-vous choisir ?
Le phénomène étant visible à l’œil nu, nous n’avons pas besoin de gros matériel : nous utiliserons par exemple un téléobjectif d’appareil photo et un petit télescope. Il faudra des caméras sensibles, rapides, qui permettent des poses courtes et nombreuses, pour figer chaque instant du phénomène, ainsi qu’une datation précise de l’événement pour analyser l’ensemble des observations.
Comment pensez-vous organiser l’observation ?
Nous serons une petite équipe de l’Observatoire de Paris (IMCCE et LESIA) en Espagne. De nombreux amateurs et professionnels sont également mobilisés pour cet événement. La Société astronomique de France (à travers Thierry Midavaine, Stéphane Neveu et Arnaud Leroy) nous aide énormément pour cette campagne. Comme souvent, le rôle des amateurs est essentiel pour obtenir une multitude de données. Nous nous coordonnons aussi avec nos collègues espagnols également très mobilisés.
La coordination passe par la répartition ordonnée des observateurs afin que tout le monde ne soit pas sur la centralité. L’objectif étant de scanner la surface de Bételgeuse, une répartition homogène de cordes est nécessaire. Nous réaliserons également l’observation avec des filtres pour avoir des informations de l’étoile dans différentes longueurs d’onde.
Le nombre de cordes (lignes parallèles à la centralité et à une certaine distance d’elle) est calculé en fonction du nombre d’observateurs et de l’incertitude sur la prédiction afin de réaliser un maillage optimal pour détecter l’occultation. Le jour J, chaque observateur est affecté à une corde et doit donc se placer quelque part sur cette ligne imaginaire, là où la météo est favorable. Plus il y a d’observateurs, meilleurs seront le maillage et les chances de détection et plus fins seront les détails qu’on pourra révéler.
Si vous souhaitez y participer, n’oubliez pas que toutes les données qui pourront être récoltées par les uns et les autres seront précieuses.
En savoir plus
- Ce projet s’inscrit pleinement dans le cadre des collaborations professionnel/amateurs que vous pouvez retrouver sur le site Gemini.